mardi 5 juillet 2016

Chambre 423


Décembre 2013
À l'époque, je suis élève aide-soignante, et je suis en stage à l'hôpital dans lequel est mort mon père à peine plus d'un an plus tôt. C'est le dernier jour que l'émotion me submerge.

Je suis donc retournée à l'hôpital. Le premier jour, après être sortie de ma voiture, je suis restée de longues minutes devant ce grand bâtiment qui avait englouti mon père. Tout droit, l'entrée. À gauche, la chambre mortuaire. À droite, le service de gastro. Là où il est mort. Entrer. Prendre à droite, direction l'ascenseur, et monter. Pas en gastro, non, mais l'étage en dessous. Chirurgie. Dernière porte, tout au fond. Mêmes couloirs, mêmes chambres, même vue depuis les fenêtres.
Même numérotation de chambres. Chambre 423. La même qu'en haut. Exactement la même. De la fenêtre, je vois le clocher de l'église du bourg voisin. Là où a eu lieu la cérémonie d'enterrement.
Un mois de stage. Un mois à passer devant la chambre 423. J'y entre rarement car ce n'est pas "mon" secteur. Servir un repas de temps en temps, aider à l'installation d'un patient, apporter un bassin... Je n'y reste jamais longtemps.
Dernier jour de stage. Je finis dans une heure. L'après-midi, c'est le nettoyage à fond des chambres des sortants. Cet après-midi, c'est la chambre 423 qui est à faire. Bizarrement, ça ne fait pas tilt. Je commence tranquillement, je désinfecte le lit, le matelas, tout en discutant avec ma co-stagiaire, et subitement, je réalise. Je suis dans la chambre 423. Pile au-dessus de moi, mon père est mort. Arrêt. J'ouvre les volets en grand. De même que j'étais restée de longues minutes devant l'hôpital le premier jour, je reste devant la fenêtre et je regarde. Les champs, la petite route qui s'en va vers le bourg, et le clocher, au loin, dans la brume. Le dernier paysage qu'a vu mon père.
Larmes. Et sourire. La boucle est bouclée.

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