mercredi 8 août 2018

La plage aux camélias

Aujourd'hui était une belle journée.
Aujourd'hui, après le boulot, j'ai filé à Quiberon. Une heure et demie de bouchons, non pour voir la mer, mais pour participer à un atelier d'écriture avec Sophie Tal Men. Ça devait bien faire vingt ans que je ne m'étais pas prêtée à ce jeu, et j'y ai retrouvé un plaisir intact. La consigne était simple : l'auteure nous montrait une photo (une fleur de camélia sur du sable) et nous dictait une liste de mots (pluie, chamade, sable, battre, dégouliner, anesthésie).
Nous devions nous inspirer de la photo et placer au moins deux mots dans le texte que nous avions vingt minutes pour écrire. Top chrono, c'est parti!
Après ça, nous étions libres de lire notre texte... ou pas. J'ai beaucoup aimé écouter les textes des participants, j'ai été intimidée au moment de lire le mien, et j'ai été épatée par la bienveillance de l'auteure. Je n'ai qu'une hâte, recommencer!



La plage aux camélias



Rien. Je ne reconnais rien. Ni la plage, ni la mer, ni la ville, ni l'homme qui m'accompagne. Il dit s'appeler Edmond. Il dit qu'il est mon mari depuis plus de soixante ans. Soixante-quatre ans exactement. Je le regarde attentivement. Il est grand, très grand. Je dois lever la tête pour pouvoir le regarder dans les yeux. Mais peut-être est-ce moi qui suis petite? Je ne sais pas. D'ailleurs je ne sais même pas qui je suis, moi. Qui est cette femme dégoulinante de pluie sur cette plage inconnue? Et qui est cet homme qui la regarde amoureusement?
Ses yeux sont bleus. Ses cheveux sont clairs et rares. Il a sans doute été blond. Un grand blond aux yeux bleus... C'est d'un banal!
Je souris. Il me sourit en retour. Son sourire est rassurant. Je ne sais pas qui il est ni qui je suis mais je sais que j'aime son sourire.
J'aime ses mains aussi. Des mains longues et fines, qui contrastent étonnamment avec ses épaules carrées. Des épaules de bûcheron et des mains de pianiste. J'essaie d'imaginer à quoi pourrait ressembler son antonyme. Un corps fluet et des mains de bûcheron.
Je souris encore. Il me sourit en retour.
Je rougis et baisse les yeux. Je regarde le sable, mes pieds nus, et les siens. Il porte des chaussures noires. Le grand blond avec des chaussures noires. J'ai presque envie de rire maintenant. Pourtant la situation n'a rien de risible. Je suis une femme inconnue, avec un homme inconnu, sur une plage inconnue. Non, vraiment, il n'y a pas de quoi rire.
Il me parle. Sa voix est douce, il a un accent qui chante et qui sent bon la lavande. Mais comment un accent peut-il sentir la lavande?
J'imagine la lavande. Je ferme les yeux et inspire profondément. Je sens les battements de mon coeur s'accélérer. Ça fait comme un vertige, une agréable sensation de... de... de quoi exactement?
Je rouvre les yeux. Ses yeux ne me quittent pas, sa voix continue son murmure chantant. Il dit qu'il m'aime, qu'il m'a toujours aimée, qu'il m'aimera toujours.
Il est beau, ce grand blond aux yeux bleus et aux chaussures noires. Il est beau et doux et aimant. Si nous n'étions pas déjà mariés depuis si longtemps, je crois que je pourrais en tomber amoureuse.

- Je m'appelle Edmond Camélia, tu t'appelles Joséphine Camélia. Nous nous sommes rencontrés ici, sur cette plage de Quiberon, il y a soixante-cinq ans exactement. Souviens-toi mon amour.

Je me souviens. Mon coeur bat la chamade.
Je me souviens. Nous nous aimons.
Je me souviens. 

2 commentaires:

  1. Bonjour Florence,
    Cela fait plusieurs mois que je lis et apprécie beaucoup vos textes. Je viens enfin de me faire aider pour apprendre à mettre un commentaire. Voilà qui est fait !
    Bien amicalement.
    Noëlle

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